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Stramaccioni, l'ambitieux et le méticuleux

Stramaccioni, l'ambitieux et le méticuleuxLa nouvelle est tombée lundi soir, peu avant 22 heures. Et elle n’a surpris personne. Claudio Ranieri a été éjecté de l’Inter, remplacé au pied levé par un jeune inconnu, Andrea Stramaccioni, l’homme sans page Wikipedia jusqu'à sa nomination. Aujourd’hui, alors que tout le monde cherche l’identité de celui qui prendra en main l’équipe la saison prochaine, arrêtons nous un instant sur ce jeune entraîneur de 36 ans, désormais le plus jeune de Série A, et loin d’être le moins intéressant.

De joueur à entraîneur


Stramaccioni fait partie des entraîneurs n’ayant pas eu une grande carrière de joueur. A l’inverse de José Mourinho, il ne voit pas sa carrière écourtée à cause d’un niveau insuffisant, mais suite à une vilaine blessure au genou que les opérations ne parviennent pas à guérir. Andrea a alors 20 ans, joue avec la Primavera de Bologne, et voit ses rêves s’envoler. Comme beaucoup de jeunes joueurs. Passionné par le monde du foot, il passe de la pelouse au banc et à 25 ans, il entraîne l’AZ Sport, puis la Romulea, deux équipes romaines dans sa ville de naissance. Puis, il fait deux ans chez les jeunes à Crotone, club alors entraîné par Gasperini, viré de l’Inter en début de saison.



C’est alors que Bruno Conti, ex-bandiera de la Roma et en charge de la politique des équipes de jeunes à la Roma, le repère et lui offre un poste dans son club de cœur. En 2007, il gagne déjà le championnat avec les Giovanissimi Nazionali (U15) et récidive avec les Allievi (U17) en 2010. Âgé d’une trentaine d’année, il impressionne tous les observateurs. Mais problème pour l’ambitieux Stramaccioni, le banc de touche de la marche suivante est déjà occupé, et pas par n’importe qui. La Primavera (U21) est en effet entraînée par Alberto De Rossi, père de la bandiera Daniele, excellent technicien et vainqueur de plusieurs championnats et Coupes d’Italie avec son groupe.


Alberto De Rossi est intouchable, alors Stramaccioni quitte la Roma pour prendre la Primavera de l’Inter suite au départ de Pea au Sassuolo. Et ce, alors qu’Arrigo Sacchi, impressionné par son travail à Rome, lui propose de prendre les commandes des U17 italiens. En quelques mois, il confirme tout le bien que les plus fins observateurs pensent de lui en remportant la NextGen Series face à l’Ajax alors que le club néerlandais vient de passer un 3-0 au Barça et un cinglant 6-0 à Liverpool. L’Inter joue bien, une marque de fabrique d’Andrea, pour qui la victoire passe par la mise en place d’un jeu offensif. Il fait partie de cette nouvelle génération d’entraîneur qui balaie d’un revers de la main les préceptes des ancêtres Capello, Lippi et Ranieri. Stramaccioni cherche à construire, et non pas à détruire l'adversaire. Ce n'est pas un hasard si pour sa première conférence de presse, au moment de citer ses exemples dans le milieu, le premier nom sorti de sa bouche est Luciano Spalletti, qui lui a donné conseils et idées du temps de la Roma. Il a toujours eu envie d'apprendre, est ambitieux mais surtout passionné et très méticuleux.


L’obsession du détail


"C’est l’un des entraîneurs les mieux préparés". Le compliment est signé du maître Arrigo Sacchi. Déjà du temps des Giovanissimi Nazionali ou des Allievi, Stramaccioni prépare ses matchs comme s’il s’agissait de la Ligue des Champions. Pour chaque rencontre, un collaborateur est envoyé dans les tribunes de l’adversaire, caméra au poing, pour rédiger des rapports divers et variés (joueur par joueur, expression collective). Dans les réunions qui précèdent ensuite le match, chaque joueur est pris à part et reçoit un rapport détaillé sur son adversaire direct : dribbles, pied fort, caractéristiques, etc. Tout est étudié et ces réunions durent parfois plusieurs heures.


Un jour, l’entraîneur de Bari est sans voix. Depuis le début de la saison, son équipe marque beaucoup de buts sur des schémas précis consécutifs à des touches. Sauf que face à la Roma, la technique ne marche pas. Stramaccioni a mis en place un plan pour contrer cette tactique suite à un visionnage vidéo intensif. On parle là d’un match entre adolescents de moins de 17 ans. Stramaccioni est un véritable stratège et son sens du détail transmet sécurité et tranquillité à son groupe.


Sa spécialité réside dans la mise en place de schémas tactiques sur coups de pieds arrêtés. Comme un entraîneur de basket-ball. Lui même explique en avoir inventé une trentaine, tous très différents, impliquant plusieurs joueurs pour bloquer les adversaires ou les surprendre. L’expression "le sens du détail" prend tout son sens avec Stramaccioni même si la disposition globale lui importe peu : 4-3-3, 4-2-3-1, 4-3-2-1, c’est du pareil au même. Seule exigence, un milieu de terrain axial pour amorcer la phase offensive. Un joueur intelligent, doué techniquement et avec une bonne vision du jeu. Un Pirlo ou un De Rossi.


Plongée dans le grand bain des professionnels


Andrea Stramaccioni va découvrir un autre univers où tout est plus grand : les engueulades, les revendications et la pression. Il l'a dit lui-même en conférence de presse à 17 heures mardi, "le monde professionnel est à des années lumière des équipes de jeunes". Il est impossible de dire s’il va réussir ou non car l’Inter est capable de tout. Surtout, l’équipe est dans un cycle très négatif avec des joueurs peu concernés et, pour beaucoup, décevants. Il va falloir également surveiller les réponses du groupe aux ordres d’un entraîneur de 36 ans, sans expérience du haut niveau. Notez que trois joueurs de l’effectif (Orlandini, Zanetti et Castellazzi) sont plus âgés que lui. Et comme le vestiaire de l’Inter n’est pas réputé pour être l’un des plus simples à gérer…


Ce matin, la presse italienne fantasme déjà. Quels jeunes de la Primavera vont bien pouvoir débuter avec les grands suite à l’arrivée de Stramaccioni ? Ce n’est pas aussi simple. Des jeunes, l’effectif professionnel en compte déjà et le nouvel entraîneur va certainement plus s’appuyer sur eux que ne l’a fait Ranieri. Les Castaignos, Poli, Ranocchia, Alvarez, Juan, Obi ont tous quelque chose à apporter, d’autant que les vétérans Lucio, Stankovic, Cambiasso, Sneijder, Forlan sont au plus mal. Certes, plusieurs jeunes ont fait leur apparition dès le premier entraînement de Stramaccioni (comme le prometteur M'Baye), mais ce n'est pas pour ça qu'il faut les brûler. Et le jeune entraîneur le sait.


Il reste neuf matchs à Stramaccioni pour sauver la saison de l’Inter, être au mieux troisième, au pire cinquième. C’est trop peu pour mettre une stratégie globale en place mais c’est suffisant pour redresser la barre et laver les cerveaux en demandant notamment plus d’implication. Les adversaires tremblent déjà à l’idée de devoir contrer les schémas sur corner et coup-franc. C’est qu’aujourd’hui, un match se joue parfois sur le moindre petit détail. Cela tombe bien, "Stramaccioni le méticuleux" est là pour s’en occuper côté Inter…